Vidéo IA et Résistance : Faire mémoire, ce n’est pas faire tendance.
- Mickael de Story Film
- 30 mai
- 3 min de lecture
Le 27 mai, comme beaucoup d’entre nous dans le monde de la vidéo, j’ai vu passer cette courte séquence diffusée par le gouvernement sur TikTok et Instagram. Une vidéo IA de 26 secondes censée rendre hommage à une résistante de la Seconde Guerre mondiale. Sauf que… la résistante en question n’a jamais existé. Et les images, elles, ont été générées par une intelligence artificielle.
Je ne vais pas refaire l’histoire : erreur de casque, drapeau japonais en pleine Libération de Paris, journal qui se déchire sans logique… L’amateurisme visuel saute aux yeux. Mais ce n’est pas ce qui m’a le plus dérangé.
Ce qui me gêne profondément, c’est le choix de raconter un pan aussi sensible de notre histoire avec un outil déshumanisé, alors même qu’il existe une multitude d’artistes capables de faire le travail avec justesse, profondeur et respect.

L’IA n’est pas coupable, c’est l’intention qui l’est
Je n’ai rien contre l’IA. J’en teste moi-même certaines dans mon métier de vidéaste à Grenoble, notamment pour automatiser des tâches répétitives ou explorer des pistes créatives. Mais l’IA ne devrait jamais devenir une béquille quand il s’agit de traduire un récit chargé de mémoire, d’émotion et de vérité.
Dans cette vidéo, on a voulu séduire un public jeune avec les codes des « POV Time Travelers », une tendance TikTok qui survole l’histoire à coups d’images générées. Soit. Mais au lieu de faire œuvre de transmission, on a produit un pastiche, avec une héroïne de fiction, dans des décors approximatifs, loin de toute véracité historique.
Il y avait d’autres méthodes
Pourquoi ne pas avoir fait appel à un illustrateur, un auteur, un vidéaste, un bédéiste ? Il existe des talents capables de sublimer cette mémoire sans la trahir. Je pense, par exemple, aux auteurs de Les Enfants de la résistance Benoît Ers et Vincent Dugomier mais aussi à Claude Plumail dessinateur sur la série "Résistances".
La France ne manque ni d’archives, ni de témoignages, ni d’artistes. Ce n’est pas une question de moyens. C’est une question de choix narratif, de posture. Et ce choix envoie un message clair : l’image vaut plus que la vérité, pourvu qu’elle capte l’attention. C’est exactement ce contre quoi je me bats dans mon métier.
Le choix ne manque pas en France quand il s’agit d’artistes – illustrateurs, illustratrices, auteurs et autrices – capables de traiter ces sujets avec justesse et engagement.
La responsabilité de l’image
Quand je travaille sur une vidéo institutionnelle ou une vidéo corporate, je ne me contente pas de belles images. Je cherche à comprendre ce que l’entreprise veut dire, transmettre, incarner. Et quand il s’agit d’histoire, cette exigence est encore plus cruciale.
L’image est puissante. Trop puissante, parfois. Et dans cette ère où l’IA peut créer en un clic ce que des artistes mettent des années à apprendre, notre rôle, à nous vidéastes, est de redonner du sens à l’acte de créer. De dire non, parfois, quand une solution facile efface l’âme du récit.
Pour aller plus loin
Si vous êtes une entreprise, une collectivité, une institution et que vous souhaitez raconter une histoire avec justesse – qu’elle soit la vôtre ou celle d’un territoire – faites appel à des professionnels de l’image engagés. Des gens qui savent écouter avant de filmer. Qui savent documenter avant de diffuser.
Et vous ?
Que pensez-vous de l’usage de l’IA dans la production de vidéos mémorielles ? Est-ce une évolution inévitable ou une ligne rouge à ne pas franchir ?
Je vous invite à partager votre avis en commentaire.
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